samedi 28 mai 2011

Corpus Johannique .

" Le concept don dans le quatrième évangile".




INTRODUCTION

Aujourd’hui plus qu’hier, le thème du don occupe une place prépondérante dans les sociétés humaines. Quelle que soient les diverses dénominations qu’on lui accorde : solidarité, partage, coopération, assistance, l’idée fondamentale reste la même. Il s’agit partout d’un échange entre les partenaires.

Vu son caractère multidimensionnel, le concept de don pourrait être envisagé sous plusieurs aspects notamment sociologique, historique, anthropologique. Dans ce présent article, l’auteur opte pour l’aspect biblique.  Il essaie de découvrir comment Jean conçoit et traduit l’idée de don. Car, dit-il, à lire l’évangile et les épitres johanniques, on s’aperçoit que le don y est placé parmi les traits les plus caractéristiques du Dieu révélé en Jésus-Christ. Ce dernier étant considéré comme la faveur par excellence accordée par le Créateur à l’humanité tout entière.
Pour atteindre son objectif, l’auteur  procède par deux phases. Dans le premier point, il fournit des informations générales, jugées opportunes pour situer son propos. La seconde étape s’occupe explicitement de la manière johannique de concevoir et d’exprimer le don. Sans nous attarder sur le premier point qui analyse grammaticalement le concept don, nous passons directement à  la synthèse théologique.

ESSAI DE SYNTHESE THEOLOGIQUE

L’auteur procède par distinguer deux points de vue différents : le point de vue quantitatif et le point de vue qualitatif. Par le premier, il tente de déterminer le donateur qui offre plus de cadeaux. Et par le second, il désire préciser la nature de ce qui est donné.

1.      Le point de vue quantitatif

L’auteur distingue à cet effet deux groupes de base qu’il croit suffisamment significatifs sur le plan de la théologie. Dans le premier groupe il distingue l’humanité créée dans son ensemble, de l’autre la Divinité considérée dans toute son extension, à savoir le Père et son Verbe.
Certes, dans le premier groupe notre auteur observe que le mouvement qui part de « Dieu » vers les Créatures l’emporte numériquement sur celui en sens inverse, et c’est dans la proportion de trente-huit contre cinq. Il devient dès lors patent que le monde de la transcendance donne beaucoup plus qu’il ne reçoit.  Le deuxième groupe de base en effet, se subdivise en deux camps, comprenant un partenaire chacun. Il y a Jésus d’un coté et  Dieu de l’autre. Mais, fait digne d’attention, dans ce groupe, la donation s’avère unilatérale ; car le mouvement ne va que du Père vers le Fils et jamais vice versa. La relation est ainsi de vingt-six fois contre zéro.
En bref, l’auteur stipule que s’il faut répondre à la question du nombre des dons, on se rappellera  que le monde divin dans son ensemble accorde beaucoup plus de faveurs au monde créé qu’il n’en reçoit en retour. En outre, à propos de la sphère divine, force est de reconnaitre  que Jésus ne fait que recevoir du Père sans rien lui rendre à son tour.
2.      Le point de vue du contenu

a.      Les dons du Père au Fils

Au-dedans de l’acte donateur du Père en rapport avec son Fils, ce dernier apparait non seulement comme celui qui est donné au monde (cf. Jn3 ,16 ; 32c.33), mais encore comme celui qui reçoit, celui à qui Dieu donne. Entant que bénéficiaire de la libéralité du Père, il jouit de certaines prérogatives : cf. Jn5, 26 ; 17,22a.24b ; 17, 2a ; 12, 49 ; 14, 31 ; 11, 22 ; 17,8a ; 5,22.27 ; 6,37.39 ; 10,29 ; 17,6a-b.11.12.24a ; 18,9.
Bref, Dieu a absolument tout remis au Christ (Jn 3, 35 ; 13,3 ; 17, 2b.7), y compris cette redoutable coupe (Jn18, 11) qui, en dépit d’un certain paradoxe, ouvre la voie à la rédemption universelle.
b.      Les dons du Père aux créatures
Contrairement aux dons faits par Jésus aux créatures, ceux que le Père leur accorde n’en comprennent aucun d’essence physique. Ainsi, nous avons le véritable pain céleste que le Père procure à l’humanité (Jn 6, 32d) et le commandement d’adhésion  au Fils qui fait que les hommes s’aiment mutuellement (1Jn3,22) en nous rapprochant sûrement de l’exemple de service et de la loi nouvelle donnés par le Christ (Jn 13, 15. 34).
Le Père accorde l’esprit à ceux qui acceptent son Envoyé (Jn 3, 34b ; 1Jn3, 24 ; 4, 13). Il octroie également la vie nouvelle que possèdent en plénitude le Fils unique (1Jn 5, 11. 16). Le Père accorde aussi l’agapè aux croyants afin qu’ils soient considérés comme enfants de Dieu (1Jn3, 1). Enfin, les besoins de l’homme s’avérant illimités, le disciple de Jésus peut s’adresser à Dieu, convaincu que celui-ci lui accordera tout ce qui lui est nécessaire (Jn15, 16 ; 16, 23).

c.       Les dons de Jésus aux créatures

Les faveurs que les hommes reçoivent de Jésus sont fort diversifiées. Ainsi les pains et poissons miraculés à Capharnaüm (Jn6, 11), le pain trempé puis remis à Judas le traitre (JN13, 26b-c), le pain apprêté au bord  de Tibériade par le Ressuscité (Jn 21, 13).
Une autre catégorie de cadeaux est formée des réalités invisibles et transcendantales ; tels sont en l’occurrence : le pouvoir de devenir enfant de Dieu (Jn1, 12), le vie éternelle (Jn10,28), la paix christique (Jn14,27a-b), les enseignements, rhêmata (Jn17, 8b) et la parole, logos (Jn17, 14) reçus du Père puis transmis aux disciples, la splendeur divine ( Jn 17,22b).
Il y a aussi des dons qui ont une dimension symbolique : l’eau qui conduit à la vie éternelle (Jn4, 10c. 14a-b. 15), l’aliment incomparable qui produit les mêmes effets que ladite eau (Jn6, 27a), le pain céleste qui procure la vie à l’humanité (Jn6, 34b), le pain qui identifie avec le corps de Jésus livré pour le salut universel (Jn6, 51c), la chair que le Christ doit mystérieusement offrir à manger aux humains (Jn6, 52).

d.      Les dons du Père et de Jésus aux créatures

S’il est acquis que Jésus ne donne rien au Père, il reste toutefois vrai qu’il donne parfois avec le Père, qu’il est codonateur. A ce propos, l’évidence la plus indiscutable concerne le triple don suivant : la vie éternelle (Jn 5,21), les enseignements libérateurs (Jn 17, 8) et la gloire qui prend racine dans l’Eternel (Jn17, 22).
e.      Les dons des créatures au Père

S’agissant de ce que Dieu peut recevoir des êtres crées, l’évangile de Jean ne mentionne que la gloire que les Pharisiens hostiles au pouvoir thaumaturgique du Messie obligent sournoisement l’ex-aveugle de rendre à l’Eternel (Jn 9, 24b).

f.        Les dons des créatures à Jésus

Notre auteur stipule que dans l’évangile de Jean il y a deux sortes des largesses que les personnes créées offrent à Jésus. La première espèce est constituée d’un don positif, à savoir l’eau potable que Jésus pérégrinant demande à la femme samaritaine près du puits de Jacob (Jn 4, 7.10). La deuxième sorte de don apparait plutôt négative ; car il s’agit des gifles qu’un valet du Grand-Prêtre (Jn 18,22) ainsi que la soldatesque de Pilate (Jn 19, 3) se plaisent cyniquement à administrer au Messie lors de sa Passion.
                                                                    
                                                                          CONCLUSION
               
               Que ce soit dans la Bible ou en-dehors d’elle, l’auteur montre que le concept de don s’avère polysémique. Il a tantôt un sens profane, tantôt une signification (culturo-religieuse). Mais nous auront également constaté que le concept de don ne contient pas forcément une signification positive ; car on peut donner pour nuire de quelque manière au bénéficiaire (cf. Jn 18, 22 ; 19, 3) ou dans les cas extrêmes où fidélité oblige, pour le mettre à rude épreuve (cf. Jn 18, 11b). De toute façon, le don en tant qu’échange apparait être l’une des composantes des relations inter-individuelles.
             
              Dans les écrits johanniques abordés dans le présent article, l’acception religieuse du vocable don prévaut sur le sens ordinaire. Cette prédominance peut s’expliquer de deux manières : primo, Jean trouve l’origine de tout don c’est Dieu lui-même ; secundo, Jean considère que les rapports entre Dieu et l’Humanité  sont singulièrement caractérisés par l’envoi du monogène dans le monde. Jésus constitue ainsi le Don primordial d’où découlent les autres formes de faveurs divines, y compris le don de l’Esprit-Paraclet promis aux croyants pour le temps de leur pérégrination sublunaire.

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